La Fontaine aux faunesses

Si la silhouette de la pyramide de Cestius, ici bien identifiée par Julien-Victor Veyrenc, quelques arbres et un groupe de personnages avec cavalier subtilement esquissés apparaissent comme décor dans les lointains du paysage, le vrai sujet de cette pierre noire est la jeune femme et ses enfants qui viennent puiser de l’eau à une élégante fontaine.

Scène certes d’esprit bucolique et populaire comme Hubert Robert aime en dessiner, mais à la jeune lavandière ou fermière d’opérette en coquet costume et chapeau de paille ici encore empruntée à Boucher. Jeune femme, fillette accrochée à la jupe de sa mère et bambin penché sur la margelle du bassin, qui tiennent une place de choix et apportent grâce, charme et fraîcheur à un monde presque entièrement fait de pierre.

La fontaine monumentale est, elle, décorée d’un mufle de lion, mais surtout de deux êtres fabuleux, faunesses mi-femme, mi-animal, à la coiffe égyptienne et à la longue queue enroulée, qui recueillent l’eau dans une coquille. L’imagination fertile d’Hubert Robert a en effet créé un certain nombre « d’inventions égyptiennes », qui, pour certaines gravées à l’eau-forte en 1763 par l’abbé de Saint- Non dans son Recueil de Griffonis, comprennent bas-reliefs, vase orné de hiéroglyphes, vase soutenu par deux égyptiennes, projet de fontaine avec une égyptienne nue assise entre deux lions…

Au total, un pur caprice, dans lequel, avec une grande réussite, Hubert Robert mêle encore souvenirs architecturaux de la Rome de sa jeunesse, paysage d’Île-de-France avec les silhouettes verticales et mouvantes des peupliers que l’on trouve sur les bords de Seine, paysannes de théâtre telles qu’il lesdessinent dans les années 1770, en particulier à l’hôtel de La Rochefoucauld.