Portement de la croix

L’œuvre inspirée et ténébriste de Valdés Leal, un des fondateurs de l’Académie de Séville en 1660, est profondément empreinte d’inquiétude spirituelle. On ne connaît rien de son apprentissage, si ce n’est qu’il le complète peut-être à Cordoue auprès d’Antonio del Castillo (1616-1668). Rentré définitivement à Séville en 1656, il reçoit d’importantes commandes telles les peintures de la sacristie du couvent de San Jeronimo, ou à la fin de sa vie les deux fameuses toiles intitulées Nos fins dernières pour la chapelle de l’Hôpital de la Charité selon l’iconographie du Jugement dernier donnée par Miguel de Manara son fondateur.

Ce Christ montant au calvaire est sans doute, comme celui conservé au musée de Bilbao, une étude préparatoire aux deux grands tableaux conservés au musée du Prado à Madrid et à la Société hispanique de New York. Ici, rien de laborieux, l’artiste laisse agir librement sa sensibilité et son intelligence des formes en mouvement. Ainsi, dans une atmosphère sourde, entre rêve et vertige du mouvement, le groupe composé du Christ, de la Vierge et des femmes éplorées se détache, dans un éclairage dramatique, sur un fond de paysage diffus aux formes mouvantes et escarpées révélant à peine les soldats à cheval. Nudité émotionnelle des visages, instantanéité de la gestuelle, facture en clair-obscur, pour une œuvre bouleversante de vérité et d’intériorité. Malheureusement usé, les bleus ayant disparu, en particulier dans le manteau de la Vierge, ce tableau ne révèle plus les qualités de coloriste de l’artiste, et les tonalités de bruns et gris sourds n’y sont plus rompues que par le rouge intense du vêtement du Christ.